Tour d’horizon de la future mission vénusienne EnVision
D’ici une dizaine d’années, la mission européenne EnVision mettra le cap sur Vénus pour nous permettre d’avoir, pour la première fois, une vision globale de la planète. En effet, nous en savons encore trop peu sur Vénus, surtout en comparaison avec Mars, l’autre voisine de la Terre. Activité volcanique, passé géologique, composition et dynamique de l’atmosphère, composition du noyau et des roches, présence d’océans par le passé : les scientifiques notamment du laboratoire de planétologie et géodynamique de Nantes (LPG, CNRS/Université de Nantes/Université d'Angers) espèrent qu’EnVision contribuera à répondre aux nombreuses questions qui restent toujours en suspens. Pour cela, ils s’activent d’ores et déjà à préparer les instruments clés de la mission : trois spectromètres, deux radars et un système de télécommunication.
Une vue holistique de Vénus
Après plusieurs décennies de quasi-abandon, Vénus revient sous les feux des projecteurs avec l’acceptation, en juin 2021, de rien de moins que trois missions prévues à l’horizon 2030. Très similaire en taille et masse à la Terre, Vénus présente toutefois des conditions de surface infernales : une température moyenne de 470°C et une pression 93 fois supérieure à la nôtre. L’un des objectifs des missions vers cette mystérieuse planète est de comprendre pourquoi son destin a tant divergé de celui de la Terre.
En ce qui concerne la sonde européenne, baptisée EnVision, elle devrait décoller en 2032 et passer quatre ans à survoler la planète voisine. « EnVision est un nom très évocateur qui signifie : envisager, voir à travers, se projeter et se donner les moyens de réussir », fait remarquer Thomas Widemann, chercheur au laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (LESIA) et deputy lead scientist de la mission. Le voyage durera 15 mois et sera suivi de 16 mois d’aéro-freinage, une technique qui permet à la sonde d’utiliser l’atmosphère pour freiner et atteindre l’orbite visée. Cela nécessite moins de carburant qu’une mise en orbite classique et permet donc de réserver une plus grande part du poids disponible aux instruments embarqués.
« EnVision a été pensée pour obtenir une vue holistique de Vénus, depuis le cœur de la planète jusqu’à sa haute atmosphère, révèle Emmanuel Marcq, chercheur au laboratoire atmosphères et observations spatiales (LATMOS) et principal investigator de l’instrument VenSpec-U. Si elle doit donner une vue globale de la planète, elle ne balayera toutefois pas l’ensemble de Vénus mais une surface équivalente, en taille, à l’ensemble des continents terrestres ou à l’ensemble de la surface martienne. » Elle embarquera une suite spectrométrique : VenSpec, deux radars : VenSAR et SRS, et réalisera une expérience de radio-science (RSE). « Grâce à cet ensemble de moyens, on va pouvoir mieux comprendre les interactions entre l’intérieur, la surface et l’atmosphère de Vénus et voir la planète comme un tout », se réjouit Alice Le Gall, chercheuse au LATMOS et membre de la science study team d’EnVision.
En termes de développement instrumental, Emmanuel Marcq n’est pas inquiet : « La technologie nécessaire pour mettre au point l’ensemble des instruments existe déjà et, grâce aux missions vénusiennes du 20ème siècle, nous connaissons les conditions dans lesquelles nous devrons opérer. Notre objectif est donc de profiter des dernières avancées technologiques pour créer des instruments aussi performants que possible qui puissent accéder à un nouveau champ de données. En d’autres mots : obtenir des ruptures scientifiques sans rupture technologique. »