Susanna Zimmermann : comment la géométrie algébrique décrit les déformations

Prix et distinction Mathématiques

En réunissant géométrie et algèbre, Susanna Zimmermann parvient à étudier les déformations complexes d’objets tels que des sphères. Maître de conférences à l’université d’Angers et membre du Laboratoire angevin de recherche en mathématiques (LAREMA, CNRS/Université d’Angers), cette chercheuse suisse a reçu la médaille de bronze 2020 du CNRS.

  • Quels sont vos thèmes de recherche ?

Je travaille principalement dans un domaine des mathématiques fondamentales appelé la géométrie algébrique, où des formes géométriques sont décrites avec le renfort d’outils issus de l’algèbre, comme les équations polynomiales. J’apprécie particulièrement le mélange et les interactions entre ces deux disciplines. Grâce à cela, j’étudie les déformations d’objets et leur classification.

J’explore également les groupes de Cremona, nommés d’après le mathématicien italien du XIXe siècle Luigi Cremona. Ils servent à aborder des symétries et des déformations très spécifiques sur les sphères. Si on pince une boule à un de ses pôles et qu’on la tire vers le bas, sa surface au pôle opposé va se déchirer et former un trou, puis se déplacer dans toutes les directions à la fois sans savoir laquelle privilégier. C’est le genre de situations que les groupes de Cremona permettent de décrire.

 

  • Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la recherche ?

D’aussi loin que je me souvienne, les mathématiques m’ont toujours intéressée. Je voulais les étudier, mais on a tenté de me décourager en disant que c’était trop difficile. Pour ne pas avoir de regrets, j’y suis quand même allé et j’en ai retiré énormément de plaisir.

J’ai ainsi suivi les cours de l’université de Bâle, en Suisse, jusqu’au doctorat. Après un postdoctorat à l’Institut de mathématiques de Toulouse (IMT, CNRS/INSA Toulouse/Université Toulouse Paul Sabatier), avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (SNF), j’ai été prise comme maître de conférences à l’université d’Angers et je suis entrée au LAREMA. Il y a là plusieurs personnes dont les recherches sont proches des miennes, et avec qui je peux facilement discuter et échanger.

 

  • À quoi ressemble votre environnement de travail ?

Dans les phases de recherche, j’aime bien travailler dans mon bureau du LAREMA, comme ça je peux directement aller voir mes fameux collègues pour communiquer avec eux. Si je dois lire, réfléchir ou rédiger quelque chose, je préfère alors rester à la maison, sur mon sofa ! Je peux en fait le faire presque partout, à condition que ça ne soit pas bruyant. De toute façon, mes meilleures idées me viennent très souvent quand je fais complètement autre chose. Si je bloque, je vais trouver la solution en préparant mes cours ou en faisant une balade !

 

  • Quelles sont les perspectives de recherche dans votre domaine ?

Je ne traite pas du tout de mathématiques appliquées, mais je conçois la recherche fondamentale comme une corbeille dans laquelle les autres sciences peuvent se servir. Je ne travaille pas directement dessus, mais la géométrie algébrique offre tout de même quelques applications, par exemple en cryptographie. Des séquences de lettres peuvent être manipulées par des formes de symétrie pour les crypter ou les décrypter.

En master cependant, j’ai abordé la symétrie des systèmes linéaires, qui est très employée en mathématiques appliquées et en robotique. Elle sert dans des cas d’optimisation, quand on veut rendre le plus efficaces possible les mouvements d’une machine et les classer selon leur degré d’utilité.

 

  • Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux jeunes générations ?

Les sciences sont primordiales dans nos vies et j’aime prendre l’exemple du téléphone portable. Nous en avons tous un et nous le devons entièrement à la science, de la programmation à la fabrication, en passant par les télécommunications et cryptographie. Le début du métier de chercheur n’est cependant pas facile, car il faut souvent enchaîner les postdoctorats et changer régulièrement d’endroit, mais ça reste une vocation importante et gratifiante. J’ai ainsi été extrêmement contente de recevoir la médaille de bronze du CNRS, que j’ai eu grâce aux collaborations avec d’autres chercheurs en mathématiques fondamentales.