Susan Conway, un œil sur la surface de Mars

Entretien Science et société Terre et Univers

Directrice de recherche CNRS au Laboratoire de planétologie et géosciences à Nantes (LPG, Nantes Université/Université d’Angers/Le Mans Université/CNRS), Susan Conway étudie la formation des paysages, principalement martiens. Elle combine pour cela des données de sondes orbitales et des expériences dans des chambres reproduisant les conditions de la Planète rouge.

A l'occasion de la journée internationale des femmes et filles de sciences, le 11 février 2025, et jusqu'à la journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2025, découvrez la diversité des recherches menées par les scientifiques du CNRS à travers une série d'entretiens. Cette opération est labellisée Année des Géosciences 2024-2025.


 

Quel est votre parcours ?

J’ai commencé mes études en géosciences à l’université de Cambridge (Royaume-Uni) puis, après mon master, j’ai travaillé deux ans dans le privé sur la dépollution des sols. J’ai ensuite obtenu mon doctorat en planétologie comparée à l’Open University de Milton Keynes, toujours au Royaume-Uni. Je suis alors partie pour un premier postdoctorat ici, au LPG de Nantes, avant de revenir à Milton Keynes, puis d’être embauchée par le CNRS en 2015, toujours au LPG. J’ai reçu mon habilitation à diriger les recherches en 2023 et suis devenue directrice de recherche l’année dernière.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’aller vers les sciences et la recherche ?

J’ai toujours été attirée par la connaissance et par la compréhension de comment les choses fonctionnent. L’attrait pour les géosciences vient de ma mère, qui n’avait d’abord pas fait d’études avant d’obtenir une licence en géologie par les cours du soir. Je me suis plongée dans ses livres et j’ai été fascinée par la possibilité d’apprendre, grâce à des cailloux, l’histoire de la Terre sur des milliards d’années.
Le goût de la recherche s’est par contre développé petit à petit. J’adore monter des projets pour trouver des réponses. C’est un métier passion, il a peut-être fallu faire quelques sacrifices, mais c’est le rêve depuis que j’ai un poste stable.

Quels sont vos thèmes de recherche ?

J’étudie comment la surface de Mars fonctionne et pourquoi ses paysages ressemblent, ou non, aux nôtres. J’essaye notamment de savoir si le relief a été façonné par l’activité de l’eau ou par d’autres processus. J’ai par exemple montré que des ravines ont été creusées par la sublimation de glace carbonique, un phénomène sans équivalent sur Terre. Je travaille également sur la Terre, Mercure, l’astéroïde Cérès ainsi que la Lune.

Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans votre discipline ?

Les statistiques indiquent que la situation devient à peu près paritaire lors de l’accès aux premiers postes en planétologie, mais que ce n’est plus le cas au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. Les critères d’avancement et de sélection devraient être améliorés, car la diversité des points de vue enrichit la recherche. Je constate aussi que, dans les travaux d’équipe, les femmes préfèrent généralement laisser les hommes s’exprimer lors des colloques scientifiques. Je pense que l’on pourrait prendre plus souvent cette place d’orateur.

Les géosciences sont une discipline en pleine mutation, notamment via leurs liens avec les sciences environnementales : en quoi vos travaux s’inscrivent-ils dans cette démarche ?

Les disciplines sont extrêmement liées, elles fonctionnent juste à des échelles de temps différentes. J’ai par exemple travaillé sur le permafrost et les glissements de terrain en Alaska, un danger lié au changement climatique. Nous avons installé tout un réseau de capteurs et impliqué des populations locales.

© Jean-Claude MOSCHETTI / LPG / CNRS Images

Les géosciences sont une discipline en pleine mutation, notamment via leurs liens avec les sciences environnementales : en quoi vos travaux s’inscrivent-ils dans cette démarche ?

Les disciplines sont extrêmement liées, elles fonctionnent juste à des échelles de temps différentes. J’ai par exemple travaillé sur le permafrost et les glissements de terrain en Alaska1 , un danger lié au changement climatique. Nous avons installé tout un réseau de capteurs et impliqué des populations locales.

Les recherches en géosciences ne sont pas que des sciences de terrain, comment utilisez-vous aujourd’hui les technologies de pointe ?

Pour l’étude de Mars, les données me viennent des caméras des sondes orbitales, comme le Mars reconnaissance orbiter (MRO), dont je programme l’acquisition à tel endroit de la surface et en se concentrant sur tel paramètre. J’obtiens les résultats quelques semaines plus tard.
Je mène sinon des expériences dans des chambres martiennes, qui reproduisent l’atmosphère et les conditions de surface de la Planète rouge. Ces dispositifs sont installés en Angleterre. C’est là que je peux simuler l’effet de l’eau et de la glace carbonique sur les paysages, et ainsi accéder à ce que les sondes et rovers ne peuvent pas nous montrer.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à la jeune génération ?

Qu’il faut casser les stéréotypes et faire les choses qui nous font envie ! Le cliché que les filles seraient naturellement moins bonnes en maths est ainsi complètement faux. Il y a par exemple plein de postes en informatique qui n’attendent que davantage de candidates.

  • 1Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR Permolards-AAPG2019. Cet article a été réalisé et financé dans le cadre de l appel à projet Sciences Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI-JCJC et PRC AAPG18-19).
© Cyril FRESILLON / LPG / CNRS Images

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