Des enzymes pour extraire les principes actifs des algues brunes

CNRS le journal Science et société Biologie

Les algues contiennent des molécules fascinantes, mais insérées dans des chaînes de sucres difficiles à casser. Certaines bactéries y parviennent grâce à leurs enzymes, dont l’identification intéresse les industries qui valorisent les algues.

Bien qu’on les croise accrochées à des rochers ou souvent échouées sur les plages, les algues renferment des trésors. Elles sont en effet principalement constituées de longues chaînes de sucres, appelées polysaccharides, qui jouent un rôle proche de celui de la cellulose chez les plantes et les arbres. Les oligosaccharides sont des fragments de polysaccharides, des molécules plus petites ayant souvent des propriétés bioactives qui intéressent de nombreuses industries : cosmétique, pharmaceutique, biomédicale, etc.

Parmi ces polysaccharides, les alginates, tirés des algues brunes qui peuplent les écosystèmes côtiers des régions tempérées et polaires, sont ainsi employés comme épaississants, gélifiants, émulsifiants et stabilisants, pour encapsuler des médicaments, dans la lessive ou encore pour réaliser des empreintes dentaires. Les algues brunes comptent également parmi leurs polysaccharides des fucanes sulfatés, dont les oligosaccharides ont montré des propriétés antioxydantes, anti-infectieuses, cicatrisantes et boostant le système immunitaire. Mais, contrairement aux alginates, ces molécules d’intérêt ne sont pas extraites à grande échelle et il n’y a pas d’enzymes spécifiques, disponibles commercialement, pour produire des oligosaccharides de fucanes. Cela limite leur utilisation par l’industrie, et c’est là qu’intervient Gurvan Michel.

Le rôle crucial des enzymes

Ce biochimiste, directeur de recherche CNRS à la Station biologique de Roscoff (CNRS/Sorbonne Université), étudie les enzymes des bactéries et des grandes algues marines en combinant cristallographie et génomique. Les enzymes étant de petites protéines fabriquées par les cellules afin de faciliter les réactions chimiques dont elles ont besoin pour vivre.
« Comme les champignons colonisent de vieilles souches d’arbres, des bactéries qui se nourrissent des oligosaccharides dégradent progressivement les algues mortes, développe Gurvan Michel. Elles ne peuvent en effet pas assimiler directement les polysaccharides, qu’elles doivent d’abord découper en fragments jusqu’à la libération de sucres simples. J’explore les fonctions et la structure tridimensionnelle des enzymes produites par des bactéries marines dont on connaît le génome complet. À partir de là, je peux identifier quelles protéines parviennent à diviser les polysaccharides à tel ou tel endroit de leur chaîne. »
La Station biologique de Roscoff dispose depuis une trentaine d’années d’une équipe qui décrypte les voies métaboliques complexes liées aux polysaccharides des algues. Gurvan Michel et ses collègues ont ainsi découvert en 2006 une première bactérie marine, baptisée Mariniflexile fucanivorans, capable de découper les fucanes sulfatés grâce à certaines de ses enzymes, les fucanases. Chacune fonctionne comme un petit ciseau qui ne s’attaque qu’à une partie spécifique de la chaîne, mais il est difficile d’identifier qui fait quoi dans ce cocktail aussi varié que minuscule.

Tableau représentant des algues, et qui a servi de couverture à un numéro d’Environmental Microbiology © Corinne Michel

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