Comprendre le transport de polluants dans les milieux fracturés

Communiqué de presse Innovation Terre et Univers
•    Dans les milieux géologiques cristallins qui constituent une grande partie des continents, l’eau souterraine circule presque uniquement via des réseaux de fractures créées au long de l’histoire géologique. 
•    Ces réseaux sont complexes, avec des fractures qui varient du micron à la dizaine de kilomètres. Or mieux connaître ces fractures, et la circulation des fluides qu’elles permettent, est essentiel pour développer les technologies liées à la gestion de l’eau souterraine, à la géothermie ou au stockage souterrain de déchets radioactifs, et évaluer les pollutions qu’elles pourraient engendrer.
•    Le CNRS, l’Université de Rennes et la société ITASCA développent des modèles de réseaux de fractures, nommés « Discrete Fracture Network », pour reproduire les caractéristiques hydrologiques du sous-sol et analyser la manière dont les éléments chimiques transportés par l’eau se dispersent dans ces réseaux de fractures si particuliers.
 

Le laboratoire commun La Fractory, associant le CNRS, l’Université de Rennes et la société ITASCA a pour ambition d'améliorer la représentation des milieux géologiques fracturés via des modèles de réseaux de fractures, et ainsi d'accroître la compréhension fondamentale des processus en jeu dans la circulation des fluides souterrains. Ensemble, ils publient dans PNAS une analyse de la manière dont l’eau circule dans les réseaux de fractures, et ils en tirent des conclusions sur les modèles qui permettent de reproduire la circulation de l’eau souterraine dans les sous-sols cristallins.

En 2018, le CNRS, l’Université de Rennes et la société ITASCA créaient le laboratoire commun La Fractory1  pour développer des recherches sur les milieux géologiques et les risques induits par l’exploitation du sous-sol. Une grande partie de l’activité du laboratoire est consacrée aux socles cristallins fracturés, omniprésents à la surface du globe, au sein desquels l’essentiel des circulations de fluides se fait via des réseaux de fractures connectées entre elles. La Fractory s’est spécialisée dans une méthode de modélisation spécifique pour ces milieux : la méthode Discrete Fracture Network (DFN), où le milieu géologique est représenté par un réseau de pseudo-fractures statistiquement équivalent aux fractures réelles. En lien avec la société suédoise SKB, en charge du stockage souterrain des déchets nucléaires dans leur pays, la Fractory a pour objectif d’améliorer ces modèles de réseaux de fractures et d’accroître la compréhension fondamentale des processus en jeu pour mieux évaluer les risques pour l’environnement en particulier associés à ces stockages.

Les réseaux sous-terrain sont complexes, avec des fractures dont la taille varie du micron à la dizaine de kilomètres. Certaines fractures sont partiellement ou totalement « scellées », donc imperméables aux écoulements, sans que l’on sache exactement comment. La plupart des modèles de réseaux de fractures sont basés sur des lois statistiques déduites d’observations de terrain (affleurements de surface, tunnels et forages), mais ils ne reproduisent que partiellement la complexité des réseaux. La Fractory a développé des modèles dits génétiques qui reproduisent le processus de croissance des fractures au cours des temps géologiques. Ces modèles donnent un fondement théorique aux observations de terrain et reproduisent certaines propriétés, notamment topologiques, qui échappent aux modèles plus classiques.

Il se pose néanmoins aujourd’hui une question fondamentale : quelle est la pertinence de ces différents modèles de réseaux de fractures pour prédire les propriétés des roches fracturées, notamment pour estimer le temps de résidence de l’eau dans les fractures, qui contrôle la dispersion des polluants dans le milieu ? Dans une nouvelle étude, la Fractory a étudié une large gamme de modèles de réseaux, allant des plus simples, constitués de fractures de taille constante, aux plus complexes avec une distribution multi-échelle de fractures partiellement scellées. L’équipe a montré que les temps de résidence des éléments chimiques dans les réseaux de fractures pouvaient être anormalement longs, en contradiction avec les théories classiques d’advection-dispersion2 . Seuls certains modèles DFN reproduisent la dispersion très singulière des éléments chimiques observée sur les essais hydrauliques de terrain.

Cette étude apporte une compréhension fondamentale de la dispersion de solutés transportés par les flux d’eau dans les réseaux de fractures. Celle-ci constitue un socle indispensable pour sélectionner les modèles pertinents, capables de simuler les écoulements souterrains dans les milieux géologiques et ainsi de renforcer leur capacité prédictive. Les concepts et modèles développés par la Fractory sont utilisés dans les analyses du risque de pollution associé au stockage des déchets nucléaires. Ils sont aussi pertinents pour de multiples applications en géothermie profonde ou en gestion de l’eau souterraine.

  • 1Ce laboratoire commun est issu du laboratoire Géosciences Rennes (CNRS/Université de Rennes), au sein de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes (CNRS/Université de Rennes/Université de Rennes 2) : https://www.bretagne-pays-de-la-loire.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/geosciences-rennes-et-itasca-montent-un-laboratoire-commun
  • 2Notion courante en mécanique des fluides, qui représente le transport d une quantité donnée, comme la chaleur ou un élément chimique.
Suivi d’une particule injectée dans le réseau. A gauche, son parcours dans le réseau. Au centre, les caractéristiques de son parcours dans chaque fracture : temps passé (haut), gradient entre l’entrée et la sortie (milieu) et transmissivité de la fracture© P. Davy & al. PNAS

Bibliographie

Structural and hydrodynamic controls on fluid travel time distributions across fracture networks. P. Davy, R. Le Goc, C. Darcel, B. Pinier, J. Selroos, T. Le Borgne, PNAS, novembre 2024. DOI : https://doi.org/10.1073/pnas.2414901121 

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